Écrire c’est un acte solitaire.
L’auteur se trouve bien souvent seul, confronter à sa page blanche et ses doutes, ses angoisses, ses ambitions et aussi parfois ses propres déceptions! Qu’il soit organisé ou pas, le romancier se confronte en permanence à ses propres limites. Mais uniquement les siennes. Voici pourquoi le rôle du bêta-lecteur est si important…
Bonjour, mesdames ! Merci d’avoir accepté de la co-rédaction de cet article avec moi !....
Anne: Une bêta lectrice est pour moi différente d’une correctrice.
Elle est d’abord là pour le fond. Quand je sollicite celles qui acceptent de travailler avec moi (car c’est un véritable travail, n’en doutez pas), je demande principalement une analyse sur le fond. L’intrigue est-elle cohérente ? La psychologie des personnages est-elle intéressante ? Leurs interactions sont-elles lisibles et en adéquation avec l’intrigue ? Je n’attends pas de ma bêta lectrice un travail sur l’orthographe ! Et vous comment voyez-vous votre rôle ?
Béa : Personnellement, Anne, je te rejoins dans ma démarche de bêta-lectrice, considérant l'orthographe comme le boulot du relecteur/correcteur. Je fais toujours une première lecture sans en discuter au préalable avec l’auteur pour conserver un regard vierge dès le départ et observer mes réactions à chaud! Puis je discute des différents objectifs avec l’auteur, son but, sa perception de ses personnages… pour comparer mes impressions premières à ses objectifs. La tâche sera donc de relever les points forts ou faibles dans le texte pour parvenir à ces fameux objectifs. Ensuite ce sera le tour de la cohérence et du rythme du récit, des tournures et des passages trop longs ou trop courts, des dialogues équilibrés, adaptés ou pas aux personnages... Pour finir je relis toujours en me souciant de la structure finale et du découpage du roman, les chapitres sont-ils équilibrés, donnent-ils envie de se jeter sur le suivant...? J’essaie toujours pour cette dernière lecture de garder un regard purement “lecteur/lectrice”.
France : La 1ère fois que j’ai accepté le job de bêta-lectrice, c’était après avoir lu le roman “auto-édité” d’un ami qui n’avait pas l’habitude de faire lire son écrit avant de le publier (à part à ses proches je crois). Son histoire (un polar) tenait la route mais l’orthographe et la grammaire étaient une cata et avaient gâché une grande partie de mon plaisir à la lecture. Je pensais donc vraiment me confiner au job de correctrice. De plus, une certaine pudeur envers l’auteur, me laissait croire que je n’oserais pas interagir ou donner mon avis dans le rythme ou le cours de l’histoire et me ferait garder le rôle d’observateur…
Anne : Effectivement France, la première fois on ne sait pas forcément où on met les pieds. Mais ça soulève une question intéressante. Pensez vous qu’une bêta lectrice peut (doit?) influer sur le cours de l’histoire. J’avoue ne jamais avoir été confronté au problème. Généralement, ma trame est définie et si j’ai parfois accédé à des demandes de corrections mineures, aucune ne m’a jamais demandé de changer mon enchaînement dramatique ou ma fin. Et je pense que je n’accepterai pas. Même si les arguments peuvent être logiques et bien réfléchis, je reste le maître de l’histoire ! N’est-ce pas ?
Béa: Toute la subtilité de la chose est de pouvoir suggérer en cas de besoin tout en respectant le style et l’histoire voulus par l’auteur. Réorienter l’histoire est peut-être un peu fort, mais mettre l’accent sur un manquement, un illogisme ou un fait passé à la trappe peut en revanche permettre de légèrement faire moduler les choses pour mieux parvenir au but premier. Il est possible en revanche, selon les conseils qui me sont demandés, que je puisse guider sur une autre fin si cela se justifie pleinement. Si l’on me demande par exemple de prendre en compte des objectifs de vente ou de marketing il y a de grandes chances que je puisse conseiller de partir dans telle ou telle direction pour satisfaire au mieux le lectorat visé mais là, on est dans un domaine autre que le jugement pur de la création de l’auteur.
France: Même si je me suis rendue compte, au fil des bêta-lectures, que mon rôle pouvait être différent de celui que je m’étais imaginé la 1ère fois, je ne voudrais pas influencer en quoi que ce soit le cours d’une histoire. Je trouve que ce n’est pas le but de ma relecture. Ce n’est pas mon bébé… La fin ou la trame d’un roman, de l’intrigue ou de la nouvelles n’ont pas à me plaire, juste à être cohérents, clairs pour le lecteur et bien écrits. C’est sur ces points-là que je donne mon avis. La lisibilité du texte, l’ébauche de l’intrigue, le vocabulaire utilisé (et évidemment à mes yeux l’orthographe et la grammaire)...ça c’est mon domaine ! Je suis également là pour motiver l’auteur/e quand il/elle a tendance à traîner, ou à nous endormir.. et à l’enguirlander lors des doutes !
Anne: Oui je suis d’accord. Le rôle de béta-lectrice est un délicat équilibre entre critique et stimulation. Et puis les auteurs sont des petites choses fragiles! D’où l’importance de bien savoir s’entourer. Mais j’aimerais rebondir sur un point important évoqué par vous deux. Pour moi, il est important que la bêta lectrice soit à l’aise avec le style d’écriture de l’auteur. Sinon elle passe son temps à buter sur les phrases et leur tournure. Son adéquation avec l’auteur sur ce point là est un prérequis. Toutefois, et c’est bien là toute la difficulté de la chose, elle doit être capable de souligner les lourdeurs de style pour aider l’auteur, qui parfois la tête dans le guidon, passe « à côté ». Bref un véritable travail d’équilibriste ! Est-ce que c’est votre avis également ?
Béa: Pas obligatoirement ! Pour moi une bonne bêta doit être surtout à l’aise avec le fait de découvrir une plume et un style et pas forcément être en adéquation avec. J’estime que je dois pouvoir juger un style, m’y adapter pour apporter cette vision extérieure que l’on me demande sans avoir envie de corriger. Si un auteur choisit un style pompeux du début à la fin, c’est clairement son choix, je dois donc m’astreindre aux mêmes exigences citées dans les deux points précédents tout en acceptant ce style. Je garderai donc les yeux ouverts pour essayer de rendre justice au mieux à la volonté littéraire de l’auteur tout en essayant, comme pour tout texte, de garder une vision technique des choses (cohérence, psychologies, logique et action, rythme et construction…). Bien entendu, plus on aime la plume plus on apprécie la lecture cela est positif dans le sens ou on prend beaucoup de plaisir mais cela laisse aussi beaucoup de place à l’affect qui nous rend parfois plus “conciliant” sur notre jugement critique. Un dosage doux et équilibré à trouver donc!
France: J’irais même plus loin. Jusqu’à présent, quand un job m’a été proposé (bénévolement ou rémunéré), j’ai toujours commencé par lire de précédents ouvrages, textes ou nouvelles de cet/te auteur/e. Il faut que je me fasse une idée un peu plus précise de sa personnalité (littéraire en tous cas) avant d’accepter la mission. Que je le/la découvre… Il faut aussi qu’il/elle me connaisse (même sans m’avoir jamais vue “en vrai”) Je n’accepterai pas le travail si les écrits précédents ne me correspondent pas (trop coincés, trop crus, trop gore, etc…) ou si la personnalité de l’auteur/e ne colle pas. Je ne peux pas faire de corrections ou donner mon avis si je suis mal à l’aise lors de ma lecture. Il faut absolument qu’on ait des affinités, qu’on ait les mêmes goûts pour qu’on puisse avoir une certaine complicité. Cela sera, pour moi, indispensable à une bonne collaboration.
Anne: En conclusion, je dirais que la bêta-lecture d’un manuscrit reste pour moi obligatoire, qu’il soit édité de manière traditionnelle ou en Auto édition. Une bêta-lectrice n’est pas là pour flatter l’ego de l’auteur, mais pour l’aider à aller toujours plus loin, au-delà de ses limites.
Béa: Et j’insisterai sur un des points les plus importants pour moi qui est la confiance qui doit s'établir entre auteur et béta: il est primordial que chacun puisse mettre de côté son ego et savoir mutuellement s'écouter pour vraiment aller dans le sens du livre. Le dialogue qui s'établit doit permettre de fouiller toujours plus loin pour que tout ce qui doit être dans ce roman le soit réellement. Le regard de la bêta doit vraiment pousser l’auteur à avoir à son tour un nouveau regard sur son propre livre pour lui permettre éventuellement de mieux orienter ses mots et sa démarche et ce toujours dans le respect de sa trame. Un bon auteur c’est une porte ouverte sur tout un monde, une bonne bêta-lectrice c’est une fenêtre qui permet à une certaine lumière d’enjoliver ce monde!
France: J’aime ce rôle de bêta-lectrice, peut-être parce je ne suis pas auteure (..et ce n’est pas un regret, cela ne m’intéresse pas) mais juste une lectrice assidue. J’aime les mots, surtout quand ils sont bien utilisés et qu’ils arrivent à déclencher une certaine émotion chez le lecteur. Je ne fais pas ça professionnellement, juste par passion et je tiens à ce que cela reste ainsi. Je considère mon rôle comme celui d’une béquille sur laquelle un auteur/e peut s’appuyer quand il en a besoin. Quand il doute ou qu’il a besoin d’être bousculé. Quand il se perd dans des détails inutiles, ou tout simplement quand il/elle a besoin d’être rassuré/e.
Mon côté cash lui permet de savoir, dès le début, que je ne prendrai pas de gant pour lui donner mon avis.. et surtout que je ne serai jamais dans le jugement… C’est son écrit, son histoire, son texte...pas le mien. Je suis juste là pour l’aider à le coucher au mieux sur le papier.
Béa, France, je vous remercie d'avoir réaliser cet article avec moi.
Vous pouvez retrouver les chroniques de Béa sur le blog Men In Books
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