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  • Photo du rédacteurAnne CANTORE

MAN in roMANce




S’il est un genre littéraire où la femme s’impose aussi bien du côté “lecteur” que du côté “auteur” c’est bien la romance. Pour en discuter, j’ai invité deux auteurs de romance à en parler avec vous et moi...


Anne Cantore: Bonjour messieurs! Merci d’avoir accepté de la co-rédaction de cet article avec moi! Alors prenons les choses dans l’ordre. L’amour, ni même l’érotisme en littérature, ce n’est pas nouveau. Mais si on remonte le temps, écrivain est avant tout un mot masculin! Et il est difficile de trouver dans la littérature classique quelques noms d’auteurE. Comme dans les autres métiers, on peut dire que l’homme prédomine la littérature, même quand il s’agit de parler d’amour et de décrire, bien souvent, des ressentis féminins, non?


Léon de Griffe: C’est une prédominance que l’on retrouve dans à peu près tous les compartiments de la société, du moins dans ceux que l’on considère comme “culturel” ou élitiste. Héritage d’une société patriarcale, en particulier en France, nation profondément ancrée dans une culture machiste. Ça évolue dans le bon sens, je pense, mais très lentement.

Kentin Jarno: Rien d’étonnant dans la mesure où par le passé, les femmes devaient rester sagement à la maison pour les tâches ménagères. Les choses ont changé aujourd’hui, mais il en reste tant à faire. Les littératures se diversifient, les femmes qui écrivent prennent la place qui leur revient de droit et ça me semble légitime.


Anne: On est d’accord. La littérature évolue avec son temps! Il n’en reste pas moins que dans la plupart des oeuvres classiques, on retrouve une image de l’amoureuse (la femme qui aime) assez machiste. Désolée, je suis pour ma part encore très fâchée contre Flaubert et son Emma Bovary, quintessence de la femme stupide et amorale à mon sens (du moins, ce qu’il en a fait) et je trouve que Christian Grey est un petit joueur avec les filles quand on voit ce que Stendhal a fait de Julien Sorel dans le Rouge et le Noir et de sa façon d’aimer Mathilde! Je pense que ça explique en partie, qu’aujourd’hui, nos auteur(e)s nous propose des héroïnes fortes!


Léon: Puisque ces oeuvres classiques sont en majorité écrites par des hommes, le prisme masculin est souvent retenu, donc une vision étriquée, subjective, tronquée. Pour moi, ce déséquilibre sera résolu d’ici quelques années, j’aime à être optimiste sur ces sujets, mais ça prend du temps et je peux parfaitement comprendre que pour beaucoup de femmes ce soit devenu insupportable.

Kentin: L’héritage des oeuvres classiques remonte à une période où la femme obéissait à l’homme. Elle ne travaillait pas. « Femme, sois belle et tais-toi », voilà comment on pourrait le résumer. En toute logique, cela se reflète dans les oeuvres contemporaines de cette période. Là où ça ne choquait pas avant, heureusement nous réalisons à notre époque à quel point les choses ont changé. D’ailleurs, les femmes de lettres avant, prenaient souvent un pseudonyme masculin pour être éditées. Ce qui en dit long sur le chemin parcouru !


Anne: Oui Kentin tu as raison, les choses évoluent et maintenant on peut parler d’une romance plus “moderne”. Mais peut-on en parler en bien? Parce que les qualificatifs de “sous-littératures” “roman de gare” “à l’eau de rose” sont souvent les étiquettes qu’on nous colle non? On est un peu “les cousins parvenus mais pas très fréquentables” je trouve...


Léon: Forcément, les critiques littéraires, les élites mondaines, encastrés dans un carcan idéologique assez rance (et terrifiant), ne comprennent pas cet engouement pour la littérature romantique. C’est un média (au sens qui de moyens de transport d’une idée, d’une oeuvre) méconnu et donc fantasmé par ceux qui ne le connaissent pas. De là, comme toute chose incomprise, l’indifférence devient vite mépris.

Kentin: La société actuelle nous impose des visions genrées bien ancrée dans la tête des gens. Les femmes sont des rêveuses amoureuses. Les hommes doivent cacher leurs émotions, doivent être fort, n’ont pas le droit de pleurer sinon on les traite de « fillettes » (sexisme du quotidien bonjour). Ces pressions sociales se reflètent donc sur la littérature sentimentale. Ce n’est pas étonnant d’y retrouver plus de femmes, car la société nous oriente sur ça. Je pense qu’avec le temps les choses changeront. Je ris beaucoup quand on qualifie la littérature sentimentale de « sous-littérature ». Je me marre beaucoup, même. J’ai envie de dire : quelle est la chose qui unit 99% des gens ? L’amour. La majorité des gens cherchent l’amour, une relation de couple, une famille. Et après on ose prétendre que la littérature qui reflète l’aspiration d’une très large majorité de gens serait une sous-littérature ? Je ris. La prochaine personne qui critique la littérature érotique par ailleurs, je lui demanderai si elle n’a jamais de relations sexuelles. Si elle me répondit que si, elle en a eu, je répondrai : hypocrisie. Les gens critiquent facilement mais oublient de balayer devant leur porte. Pour moi, on critique quand on est irréprochable sur un sujet !


Anne: Oui, vous avez raison, on nage dans un bain d’hypocrisie. Sauf que cela a quand même quelques répercussions pratiques. Il y a peu d’homme dans la romance. Du moins qui s’assume en tant que tel. Certains en font, mais sous pseudonyme...féminin...et ils sont rares ceux qui comme Bruno Le maire (ex ministre quand même…), assume avoir écrit des Harlequins…( ref : le journal des femmes 17/09/2014). Qu’en pensez vous, vous auteurs de romance, homme et parfaitement assumés?


Léon: Alors, personnellement, je ne savais pas ça. Je l’ai appris récemment, que certains hommes utilisaient des pseudos féminins pour publier des romances ou de l’érotisme. Là encore, ça participe à cette honte toute machiste de la chose primaire, de l’amour, de la passion. Affaire de bonne femme, voyons. Sauf que quand on en écrit, n’est-ce pas hypocrisie que de se cacher derrière un nom de femme ? Quand j’ai choisi mon pseudo, je n’ai jamais fait mystère de mon sexe et je trouvais même amusant de gêner mes collègues (ceux de mon boulot alimentaire) avec ça, ou mes amis. Mais si au début personne ne semblait s’y intéresser, je crois que j’ai “désinhibé” pas mal de monde autour de moi sur cette question : oui, j’écris du cul, oui, j’écris des histoires d’amour, j’adore ça, parce que l’amour et le cul, c’est ce qui va façonner une grande partie de l’existence de chacun d’entre nous. À partir de là, sans honte, j’en discute désormais autour des repas de famille avec grands parents et enfants, à mots choisis pour ne froisser personne, mais ce n’est ni tabou, ni honteux.

Kentin: J’adore cette histoire de Bruno Le Maire ! Je l’apprends ! Je trouve assez logique de prendre un pseudo quand on oeuvre dans la politique ! Il vaut mieux se couvrir pour éviter que l’ignorance et la bêtise des gens n’aient de répercussion par la suite. L’ouverture d’esprit est gratuite mais si peu répandue. Léon, je suis d’accord avec toi sur le fait de prendre un pseudonyme féminin. Masquer son identité est une chose, son genre en est une autre. Je trouve ça dommage. Ça ne fait pas avancer les mentalités.


Anne: Mais lisez-vous de la romance vous messieurs qui en écrivez? Et plus généralement, les hommes vont-ils vers ce genre alors que depuis le début nous sommes tous d’accord pour dire qu’il est particulièrement destiné à un public féminin? A titre personnel, je ne le pense pas! Les couvertures, les résumés, sont destinés aux femmes, cela n’incite pas à la découverte! Et puis je crois que l’imaginaire masculin doit être stimulé par des auteurs plus “crus”; Je pense en particulier à Esparbec. Pour l’avoir lu, je crois que j’aurai pu écrire les même histoires, mais avec un vocabulaire et un angle d’attaque beaucoup moins “brut”.


Léon: On ne va pas se le cacher plus longtemps : les hommes ne lisent pas. Ou très peu. L’immense majorité des lecteurs aujourd’hui sont des lectrices, tout genre confondu. Il y a peut-être quelques exceptions, par exemple la fantasy encore très liées aux univers geek et donc encore très masculin, mais même là, le lectorat se féminise à vue d’oeil. Par contre, clairement, si un homme doit choisir une roman érotique, il prendra du sexe prétexte, de l’érotisme cru, des histoires courtes et bandantes. Ce n’est pas ce que recherche la majorité des lectrices. Pour le moment. Tout évolue.

Kentin: Je peux difficilement répondre à cette question pour tous les hommes. En ce qui me concerne, je n’en lis pas du tout. Romance tout court, ou érotique même tarif. Je n’en lis pas. Et pourtant j’en écris, paradoxal. À choisir, si j’en lisais, je prendrai quelque chose de beau et qui fasse rêver. Pas un truc cru, c’est clair ! Ce qui est particulier dans mon cas, c’est que j’écris des romances MM. Les autres auteurs qui s’illustrent dans ce genre sont surtout des femmes. Le nombre d’aberrations que j’ai lu, le peu de fois que je me suis essayé à des lectures MM m’a dissuadé de réitérer l’expérience. On nous expose une vision pleine de stéréotypes qui n’aident pas les gens à acquérir une image positive du monde gay. Le nombre d’idées reçues complètement fausses sur les hommes me choquent également. J’essaie de mon côté d’oeuvrer à transmettre une image positive, en cassant les clichés et les codes. En apportant une touche mature, respectueuse. J’ajoute d’ailleurs que le sexe est censé servir l’histoire, et non pas l’inverse à mes yeux, dans la littérature sentimentale. Le monde gay est souvent considéré comme volage, la représentation dans les romans français que j’ai lu n’y aide vraiment pas ! À méditer !


Anne: Bon, on est tous d’accord pour dire que le genre se libère et évolue. Alors de plus en plus d’auteur masculin de romance, vous y croyez? Moi, non! Je pense que ce genre restera à dominante féminin, du moins tant que les éditeurs n’auront pas choisi une autre politique éditoriale. Diversifier le lectorat comme les sources d’écritures voudrait dire privilégié l’histoire, le scénario à l’aspect sensuel/érotique/ du livre. Mais, je ne désespère pas de me tromper!


Léon: Alors, je découvre chaque jour l’existence de nouveaux hommes en littérature (désolé Kentin, je ne te connaissais pas jusque là, j’imagine que l’inverse est vrai). Je ne déroge pas à la règle : je lis peu de romance. Et petit conseil pour mes amis auteurs : si vous voulez être lus, lisez ! Ce que je ne fais pas. Oui, faites ce que je dis, pas ce que je fais :p . En tout cas, je trouve ça très bien, ça permettra je pense à terme d’attirer le regard sur le genre, de manière plus grand public, puisque les médias traditionnels finiront par s’y intéresser (malheureusement). Et on devrait, d’ici dix ans, pouvoir compter sur un prix de la romance (comme il y a un prix de la nouvelle érotique auquel je participe depuis le début, petite pub en passant).

Kentin: Je pense qu’avec le temps, oui, on va voir des hommes émerger. Je trouverai ça intéressant. Malgré tout, on réfléchit tous différemment et je pense que ça apporterait un nouvel angle. Un renouveau intéressant pour le genre.


Anne: Alors vous pensez que la romance pourra connaître un destin inverse du polar ? Un genre privilégié par les hommes (lecteurs et auteurs), où les femmes ont pris le pouvoir. Verra-t-on un homme obtenir un succès à la hauteur de EL. James?


Léon: je ne pense pas, vraiment. Après je n’aime pas trop faire des plans sur la comète, mais je pense au contraire que tous les genres littéraires seront conquises par les femmes, et que la romance en restera leur pré carré. la littérature du 21ème siècle sera féminine ! (et inclusive ;) )

Kentin: Je n’irais pas jusque-là non. Même si les hommes se mettent à beaucoup aimer ce genre par la suite, ils ne surpasseront jamais les femmes. Ce serait irréaliste de le croire. Mais ce serait vraiment super d’équilibrer un peu la balance ! En revanche, si je pense que les femmes resteront très majoritairement présentes dans ce genre, je ne serai pas étonné qu'un homme obtienne le même succès qu'E.L. James. Méfions nous de l'eau qui dort, les succès arrivent sans prévenir et chamboule toutes nos croyances !"


Anne: Dans tous les cas, je suis ravie que quelques hommes, comme vous, osent se lancer dans la romance!

Pour moi le plaisir est dans la diversité, alors messieurs, écrivez, lisez ! Et merci de votre participation.


Léon: la romance en littérature est en plein essor, on n’est qu’au début du mouvement, des séries ou des films voient le jour à partir de la plume d’autrices encore inconnues il y a quelques années, c’est une belle histoire que vit ce genre. Je suis ravi d’y participer, mais je n’ai aucune certitude quant au fait que davantage d’hommes en liront d’ici quelques années. Pour ma part, je continuerai d’y apporter une touche un peu différente, masculine et féministe à la fois.

Kentin: En conclusion, on peut largement dire que la littérature sentimentale est dominée par les femmes. Pour les années à venir, j’ai le souhait que les hommes se mettent à en écrire et à en lire. Qu’on puisse diversifier tant les histoires proposées que le lectorat en lui-même. Cela apporterait une richesse unique au genre.

Je pense par ailleurs que les succès d’E.L. James et Anna Todd par exemple ne seront pas les derniers du genre. D’autres auteurs feront des percées et j’ai déjà hâte de voir ça. Si cela pouvait être un auteur français, ce serait encore mieux !


Vous pouvez retrouver Léon et Kentin sur les réseaux sociaux et leur livre sur toutes les plates-formes de téléchargement légales et toutes les librairies en ligne.


Le mois prochain l'article aura pour thème: La romance, un genre à code? Avec la participation de Ana K. Anderson, auteure, Marie Meyer, auteure et Gaëlle Menuge, Blogueuse (les magiciennes des mots)

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